UN CERTAIN CINEMA

[CRITIQUE] The Zone of Interest, Jonathan Glazer (2024)

Il existe de ces films qui, par leur climat froid et anxiogène, viennent terrasser les spectateurs, souvent les évènements font partie d’une même partition, crescendo et fracassante. Difficile de ne pas évoquer les films de Michael Haneke, de Lars Von Trier ou le chef d’œuvre de Hu Bo.

Ici c’est assez différent, le film ne propose aucune progression dans les évènements, tant l’angoisse émane de l’invisible, des détails, mais surtout de l’hors-champ. 

Cette violence a beau ne pas être montrée, c’est le geste qui nous marque, la foi du désastre, ainsi que nulle répercussion sur ceux qui agissent.  

Le film nous présente une famille de nazis, dont le père, haut gradé, amène des juifs aux chambres à gaz d’Auschwitz. Ses agissements paraissent par les mots, ainsi que la fumée d’arrière-plan, venant contraster avec l’idyllique familial, qui lui est mis au premier plan. Il fait beau, le jardin est luxuriant, les enfants jouent, les adultes travaillent et s’occupent de leurs enfants. Le réalisateur crée le malsain par ce qui ne l’est pas, c’est notre connaissance de l’histoire et du nazisme qui amènent l’abomination.

Alors que le film, lui, prend son courage à deux mains pour humaniser la famille nazie, le mal ne vient pas d’elle, mais d’une idéologie qui les dépasse. Pourtant, quand on y pense est racontée la banalité de la vie dans une certaine époque, rien de plus. Ces gens semblent si proches de nous. Ayant du mal avec le sujet de la seconde guerre mondiale au cinéma, pensant que son évocation est délicate, tant en un documentaire, Resnais a tout dit et a montré l’utile pour notre devoir de mémoire.

Le film marque par ses changements de ton, son ambiguïté et par son humour prononcé lors de quelques scènes, qui sont en décalage avec le sujet général. Cependant, il offre une perspective sur la profondeur de la nature humaine, mais aussi une réflexion intelligente, dû à une écriture précise, sur les conséquences de l’idéologie destructrice.

Tourner en courte-focale avec beaucoup de longs-plans qui se focalisent uniquement sur la famille nazie, le film fait le choix, par des cadrages très picturaux et une colorimétrie chatoyante renvoyant directement à l’immensité de la nature, de dresser un tableau d’une famille qui n’est en apparence pas ordinaire, ordinaire.

Le film utilise beaucoup de bruitages pesants, créant un décalage de plus avec les images montrées, et que dire des scènes d’introduction et de fin, si étonnantes, qui viennent ouvrir et refermer le bal, comme si le réalisateur nous invitait à vivre notre propre mort.

The Zone of Interest réussit une chose rare, nous donner envie de quitter une salle de cinéma, malgré le sublime de l’orchestration. C’est terrifiant et malsain, mais le cinéma peut servir à ça aussi, nous mettre face à l’irregardable, chambouler nos mœurs jusqu’à l’extrême.

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